Sur le dossier de la sûreté nationale (12 Avril 1963)
Assemblée Nationale Constituante
Intervention de Mr Hocine Ait Ahmed
Monsieur le Président, mes chérs collègues, j’avais l’intention de présenter un amendement analogue à celui de Melle Belmihoub. Il paraît maintenant sans objet et c’est pourquoi je le retire.
En vérité pour résoudre le problème de la sûreté nationale, le gouvernement devrait comme l’a demandé un frère député à répondre à la question suivante : selon quels critères a-t-on réparti les crédits entre les ministères?
Car, si nous confions au gestionnaire d’un bain public la tâche de mettre en œuvre un programme déterminé, il va de soi que ce gérant donnerait à son établissement une importance d’autant plus grande qu’il demanderait des crédits importants.
De même, un gérant d’hôtel ne manquerait pas de prôner les avantages du Tourisme et d’insister sur le rôle que cette branche est appelée à jouer sur le plan de l’économie nationale, ceci bien entendu, dans le dessein d’obtenir également des crédits importants.
Ces exemples paraissent sans doute grossiers, simplistes. Cependant, si j’ai tenu à les citer ce n’est que pour démontrer l’importance que j’attache au principe des critères.
Certes, lorsque nous confions des lourdes responsabilités au directeur général de la Sûreté nationale et nul n’ignore l’importance de la Sûreté nationale surtout dans un pays révolutionnaire, ce haut fonctionnaire pour mener à bien sa tâche demandera le maximum de crédits.
Cependant, il s’agirait de savoir si cette importance conférée à la Sûreté nationale est bien le fait du gouvernement, car il y a un ordre de priorité‚ dont il faut tenir compte.
C’est ainsi que l’enseignement doit passer avant la police. C’est sur cette base, sur ce critère que des crédits devraient être étudiés et par la suite répartis.
Personnellement, je soutiens l’amendement de Melle Belmihoub, car la valeur intrinsèque de l’enseignement est aussi celle de la Révolution.
D’autre part, je constate que beaucoup de militants sont recrutés pour servir dans la police, alors qu’ils n’ont pas le niveau d’instruction nécessaire leur permettant d’assumer ces responsabilités. Pour ces militants, il serait préférable de les diriger vers les centres de formation professionnelle après quoi ils pourraient être versés utilement dans des secteurs productifs.
Mais, cela va nous ramener aussi à cette autre question que la 1ère Commission a déjà posé au gouvernement : la réforme administrative.
En outre, il n’est pas facile de réduire les crédits de la Sûreté nationale sans risquer de compromettre l’activité de cette administration.
Si l’action de la Sûreté nationale ne s’inscrit pas dans le cadre de la réforme administrative, si nous ne confions pas de responsabilités aux collectivités locales pour leur permettre de prêter leur concours dans le domaine de la sûreté publique par exemple, il serait alors impossible, voir irrecevable d’envisager la réduction du budget de la Sûreté nationale.
Mais si, au contraire, le gouvernement veut bien examiner cette question parallèlement au problème de la réforme administrative, alors les collectivités locales pourraient utilement contribuer au maintien de la sûreté publique et le peuple lui-même y participera.
Mes chérs frères, si nous prévoyions au titre du budget de la Sûreté nationale un crédit de 15 milliards, si comme je crois le savoir la dotation définitive de ce budget atteignait 19 milliards, nous pourrions dire alors que cela n’est ni raisonnable ni même conforme à l’intérêt de notre pays.
Mais, si nous dotions ce budget d’un crédit de 15 milliards seulement, ainsi que le demande un de nos collègues cela obligerait les dirigeants de Sûreté nationale à prendre leurs responsabilités.
Les crédits supplémentaires ou reliquat pourraient être alors mis à la disposition du ministre de l’éducation nationale pour lui permettre de faire face aux nécessités de la rentrée scolaire.