Proclamation du Front des Forces Socialistes
Alger, le 29 septembre 1963
La résistance du peuple algérien au coup de force constitutionnel a acculé le régime à découvrir son véritable visage.
Les tenants du pouvoir ont recouru aux méthodes coloniales de corruption et de menaces les plus basses et les plus odieuses afin de bâillonner et de truquer la volonté populaire. Le masque est tombé. La légende du Zaïm, du militant suprême, du super khalife a crevé comme un ballon de baudruche.
Par son abstention, encore plus massive, le peuple algérien a dit, le 15 septembre, un NON net et vigoureux au despotisme oriental et à ses instruments néofascistes.
Les deux mascarades électorales ont clarifié la situation politique et fait apparaître l’opposition d’un homme assoiffé de pouvoir aux traditions révolutionnaires et démocratiques de notre peuple, d’une minorité d’usurpateurs à la majorité des citoyens, d’un clan à la nation, d’un groupe d’inconditionnels à l’ensemble des militants, pour qui la construction du socialisme est inséparable du respect de la personne humaine, de la liberté et de l’adhésion consciente.
Le potentat règne malgré le peuple et contre le peuple, et déjà en violation flagrante de la pseudo-constitution. La torture sévit dans les locaux de la P.R.G. de la gendarmerie et de la sécurité militaire. La pseudo-constitution rejoint les serments de carrefours, les promesses de coulisses et les innombrables engagements solennels pris et trahis par Ben Bella.
Le comité central du FFS s’est réuni pendant cinq jours, sans désemparer, afin d’examiner la situation engendrée par les coups de forces perpétrés contre la légitimité populaire, le 8 et le 15 septembre, et pour dégager un programme de résistance aux complots du gouvernement contre la révolution et l’unité de notre peuple.
– considérant que l’immense désordre antirévolutionnaire, fait de gâchis financier, de favoritisme effréné et de démagogie, aggrave la crise économique et rend de plus en plus aigüe la détresse des masses déshéritées ;
-considérant que par contre, et fait édifiant, la pègre antisociale, née de la corruption et de pratique de basse police, entretenues par le système colonial, constitue, malgré la révolution, une caste consacrée dans les institutions et les hautes charges de ce régime néo- fasciste ;
-considérant que le régime, pour se consolider et gagner des clientèles a sa vocation par le chantage et la terreur, a remplacé les militants par les membres de cette pègre, et les droits imprescriptibles du citoyen par le système fasciste de faveurs, d’impunité et de maffia policières ;
-considérant que ce régime néo- fasciste est la négation tout à la fois de la révolution, de l’unité nationale et de l’État souverain au service des citoyens et sous leur contrôle ;-considérant que le deuxième gouvernement Ben Bella, par sa composition et ses structures, encore plus totalitaires, et par sa politique démagogique est un dispositif de guerre contre le peuple et ses meilleurs militants.
-considérant que la politique de répression qui s’est déjà manifestée par l’arrestation de centaines de militants, s’est aggravée au lendemain de l’escroquerie électorale par l’instauration d’un véritable climat de terreur et d’arbitraire ;
Le peuple algérien ne se laissera pas bâillonner, la révolution est l’œuvre de ses sacrifices, de sa vigilance révolutionnaire. Les conquêtes socialistes sont les conquêtes des masses populaires qui exigeront le moment venu que l’autogestion ouvrière et paysanne notamment soit sanctionnée par la Constitution ; et que l’exercice du pouvoir par le peuple soit considéré comme un acquis de la révolution, comme un fondement de notre première Constitution et non pas mentionné comme un simple «objectif à atteindre».
Toutes les valeurs toutes les élites saines, tous les citoyens et citoyennes réfléchis et sérieux, toutes les compétences dévouées font face au règne chaotique de la médiocrité, de de l’improvisation et de l’arbitraire.
Non ! À toutes les aventures d’où qu’elles puissent venir et d’abord à l’aventure qu’on nous propose.
Oui ! À une idéologie d’avant-garde non octroyée aux militants !à une plate-forme constructive et à une Constitution élaborée par la base !
À l’union de tout le peuple autour de ses élites révolutionnaires regroupées.
Considérant que par :
- La désignation unilatérale d’une assemblée nationale constituante à sa dévotion,
- Le sabotage et la mise au pas du mouvement syndical ouvrier et étudiant et de toutes les organisations nationales,
- Le coup de force constitutionnel et le truquage électoral.
- Le pouvoir a fermé la porte à toute possibilité dialogue
- Le comité central du FFS déclare ce pouvoir illégal.
Il décide :
De mettre en œuvre tous les moyens dont il dispose, pour arrêter net ce processus de fascisation. De mettre fin au pouvoir dictatorial et au régime personnel qui tente de s’imposer à notre pays, ordonne à ses militants d’engager, à partir de ce jour, le combat décisif, dans la discipline et le strict respect des directives.