Résolution politique du 5ème Congrès National

Résolution politique du 5ème Congrès National

L’histoire contemporaine de l’Algérie montre à l’évidence que l’appel de Novembre et les résolutions du Congrès de la Soummam, avaient défini les termes d’un consensus national fondamental et fondateur.

Ce consensus s’est organisé autour du triptyque : indépendance nationale, Etat démocratique et social dans le cadre des principes de l’Islam, construction du Maghreb démocratique. Il a permis la concrétisation de l’indépendance et l’élection d’une Assemblée Constituante.

La recomposition politique, violente, opérée à l’occasion de la crise de l’été 62, a brisé ce consensus et a permis la mise en place d’un système politique autoritaire qui perdure jusqu’à nos jours.

Aujourd’hui, le statu quo politique, l’instabilité constitutionnelle, la crise morale, la crise économique et les injustices sociales trouvent leurs sources respectives dans l’absence d’un consensus national, dans le pays.

Le statu quo politique 

La récurrence des révisions constitutionnelles vise à maintenir le rapport de force nu, afin de perpétuer le statu quo politique, d’infléchir les équilibres et les options politiques internes et, surtout, de conserver la légitimité internationale des équipes dirigeantes qui prennent le pouvoir.

Le but fondamental du statu quo politique est de maintenir la prééminence d’une institution de l’Etat sur les autres, tout en décrédibilisant et en délégitimant ces dernières. La relation, entre le civil et le militaire, dans le pays, est garante de ce statu quo.

Nous devons relever aussi que l’absence manifeste d’un projet politique et économique clair, porté par la société et par un Etat de Droit, fait le bonheur d’oligarchies possédantes et de forces diverses qui instrumentalisent les archaïsmes. Certaines sont directement connectées sur la grande corruption et la grande criminalité ; leur nuisance est démultipliée par la conjoncture internationale au point de menacer dangereusement l’intégrité et l’avenir de l’Algérie, Etat, Nation et Société.

La première conséquence est le désintérêt et la démobilisation incontestables de la population, lesquels s’expriment par une abstention massive et manifeste lors des différents scrutins.

Les élections qui se déroulent à intervalles réguliers dans le pays,  ne peuvent pas mener à de vraies alternances ; ni à plus forte raison, à une alternative démocratique.

Seconde conséquence, cette population amputée de sa citoyenneté, est acculée à l’émeute, cantonnée et contenue dans des revendications sectorielles.

Les Algériennes et les Algériens sont conscients, aujourd’hui, que le statu quo politique est intenable et qu’en tous cas, il ne peut se concevoir dans les termes que le pouvoir cherche à imposer.

La crise morale

De larges franges de la population ont perdu repères, valeurs et sens civique. Les Algériennes et les Algériens n’ont pas confiance dans la justice de leur pays. Ils ne croient plus à l’égalité des chances et à l’ascension sociale par le mérite. Devant les passes droits et une corruption systémique et généralisée, le travail et l’éducation ne sont plus perçus comme des moyens émancipateurs.

La crise économique

L’Algérie, à ce jour, n’a pas réussi sa transition d’une économie administrée et centralisée, vers une économie sociale de marché. Elle n’a pas réussi à passer d’une économie rentière, dépendante et mono exportatrice, vers une économie diversifiée capable, au moins, de satisfaire les besoins nationaux. Elle n’a pas pu amorcer une dynamique de développement économique et social, malgré l’exploitation, voire la surexploitation des hydrocarbures ; qui n’a profité ni à l’agriculture, ni à l’industrie.

Les perspectives de changement

L’enjeu principal, aujourd’hui, pour trouver une issue à la crise nationale et préserver l’avenir pour toutes les Algériennes et tous les Algériens, est la reconstruction d’un consensus national fondamental qui pourrait s’organiser autour de la démocratie politique, de la citoyenneté, du développement économique et de l’équité sociale. Concrètement, il s’agit du respect des pluralismes politique, linguistique,  syndical, et des libertés fondamentales pour permettre l’autodétermination individuelle de chaque Algérienne et Algérien et l’autodétermination collective du peuple algérien.

La pensée politique, le projet et la stratégie du FFS, depuis sa fondation, visaient à atteindre cet objectif.

Il est temps que Tamazight soit constitutionnalisée langue nationale et officielle. Que le respect des droits de l’Homme s’enracine dans la société et les institutions, afin qu’ils deviennent une réalité incontestable dans la vie des Algériennes et des  Algériens.

Il est temps que l’Algérie respecte ses engagements énoncés dans les Chartes et Conventions internationales garantissant les droits et les libertés (droit de l’homme, libertés syndicales, liberté d’expression, …etc).

Il est temps que le sacrifice des martyrs du FFS, pour la démocratie, soit reconnu par l’Etat Algérien et que les anciens militants de 1963 puissent bénéficier de tous leurs droits.

Aujourd’hui, il ne s’agit pas de verser dans la dramatisation, mais tout le monde, à l’intérieur comme à l’extérieur du pays, estime que le bilan n’incite pas à l’optimisme. Les Algériennes et les Algériens sont face à un vrai dilemme.

Est-il besoin de souligner les limites et les dangers d’un changement par la violence ? Cette voie, pour le pays, ne favorise pas une évolution vers la démocratie. Elle a donné, pour trop longtemps, un coup d’arrêt à l’ouverture politique tentée après octobre 88. Les radicalismes autonomistes ou djihadistes, ne profitent qu’au pouvoir en place, et à tous ceux qui allument des contrefeux pour éviter toute avancée démocratique.

En tout état de cause, le prix, politique et humain, voire économique, à payer, est exorbitant.

Dans un contexte national difficile, le changement pacifique trouve, lui aussi, ses limites : La société est soumise à des transformations rapides et brutales, alors que les inégalités et les injustices sociales s’accroissent de façon explosive. L’espace contestataire est hétérogène et faiblement organisé, alors que les mesures démagogiques, destinées à acheter la paix sociale, ne répondent pas aux vrais problèmes.

La fermeture politique, la non-reconnaissance des pluralismes et les restrictions des libertés, expliquent, en grande partie, l’échec de la société politique et de la société civile.

Nous ne pouvons ni ignorer, ni sous estimer, ni éluder une conjoncture de grands bouleversements internationaux, marquée par des comportements brutaux de la part des puissances colonialistes. Craignant leur déclassement, celles-ci mettent davantage la pression sur les pouvoirs et les sociétés, pour que s’y dégagent des forces prêtes à se soumettre aux injonctions extérieures ; au mépris des intérêts bien compris du pays et de sa population.

Une raison supplémentaire pour rassurer le pouvoir et lui permettre de refuser toute discussion et toute négociation sérieuse. Il n’y a aucune volonté politique pour mener de vraies réformes qui amèneraient un rapprochement des positions et ouvriraient le champ des discussions et des négociations.

La vérité est que les réformes actuelles, menées au pas de charge et sanctionnées par un vote contestable dans des assemblées disqualifiées, sont rejetées par l’immense majorité de la population.

Et pourtant, l’espoir est toujours là : les Algériennes et les Algériens continuent, dans leur immense majorité, de rejeter les extrémismes et les dérives autoritaires et, ils attachent un grand prix à la paix civile et à l’unité nationale.  Les nouvelles dynamiques populaires, nées de la chute des dictatures dans les pays voisins, incitent, elles aussi, à l’optimisme.

Fait remarquable, la mobilisation et l’engagement des femmes dans les mouvements populaires, ont joué un rôle décisif. Que ce soit en Tunisie, au Yémen ou en Egypte, leur apport a permis aux luttes populaires de gagner en confiance, en énergie et en efficacité.

Dans notre pays, les femmes sont présentes en force, et parfois majoritaires dans certains secteurs stratégiques de la vie nationale. Quoi que l’on puisse penser de la décision d’instaurer une discrimination positive à l’égard de la femme dans les institutions, elle aura forcément des conséquences importantes sur la société. L’enjeu pour la femme aujourd’hui, c’est d’exploiter cette opportunité pour s’affirmer et conquérir tous ses droits. Cette décision peut paraître nécessaire, elle est sûrement insuffisante pour que la femme puisse accéder à un exercice politique effectif. La lutte ne peut se limiter au champ institutionnel, c’est un débat, c’est un combat de tous les jours dans la famille et dans la société. Même si les approches peuvent paraître hétérodoxes, l’essentiel est que la femme algérienne puisse occuper toute sa place et jouer pleinement son rôle.

Autre raison d’espérer, les mouvements, associatif et syndical, se sont développés en dépit des restrictions réelles, directes ou indirectes, à leur activité. Ils gagnent en représentativité et en audience; quelques uns d’entre eux ont atteint une dimension nationale. Ils exercent une pression réelle sur les pouvoirs publics.

Cependant, ces organisations entretiennent des liens complexes avec l’Etat et avec le mouvement politique en général. Des liens qui demandent à être explorés et clarifiés, dans l’action.

Enfin, il peut paraître paradoxal de parler de la jeunesse comme entité politique et sociale, quand nous savons que l’écrasante majorité de la population est constituée de jeunes. Fondamentalement, les problèmes du pays sont, d’abord et avant tout, les problèmes de sa jeunesse. Il apparaît de plus en plus que c’est elle qui arbitrera l’avenir. Ceci ne doit surtout pas empêcher d’avoir des politiques sociales prioritaires pour les secteurs paupérisés de notre jeunesse, afin de freiner et, si possible, de stopper la désagrégation sociale ; cela ne doit surtout pas empêcher un pouvoir, soucieux de l’avenir des générations futures, d’arrêter le désastre national en matière d’éducation et d’engager un débat national pour la mise en place d’un système éducatif performant, basé sur l’algérianité et ouvert sur le monde.

Les femmes et les hommes de notre pays sont conscients de la gravité du moment. Ils savent que la poursuite des options actuelles est de nature à compromettre l’avenir.

Ils savent qu’« il faut faire quelque chose », ils savent que leur pays couve une révolution pacifique,  ils veulent que ça change.

Que devons-nous faire ? Que doit faire le FFS ?

Les forces du changement sont là ; elles sont à l’œuvre dans le pays. Non seulement dans la société, mais probablement aussi, dans les institutions ; nous en avons la ferme conviction. L’ambition du FFS, c’est de réunir les conditions qui permettent une dynamique politique, plurielle, pacifique et organisée. Osons ! A nous de conduire le changement.

A nous de nous impliquer avec force et lucidité pour rompre les enfermements et construire, avec tous les Algériens, un changement qui soit profitable à tous. Un changement qui préserve l’avenir du pays et qui mette un terme au bradage et au pillage de nos ressources et de nos richesses.

L’action pacifique, l’action légale, par des moyens légaux, pour des intérêts quotidiens, peut permettre l’amorce d’un mouvement citoyen et démocratique.

Il faut multiplier les débats avec nos compatriotes pour réhabiliter le politique et remobiliser la société. Il faut coller aux préoccupations de la population et multiplier les initiatives en direction de toutes les couches de la société notamment, celles frappées par la paupérisation, pour accompagner et soutenir leurs luttes pour la dignité.

Notre présence dans les institutions doit les faciliter et les potentialiser. C’est ainsi que nous donnerons sens à notre présence au sein des assemblées élues. C’est ainsi que nous renouerons, tous ensemble, avec l’engagement citoyen. Il faut renverser la perspective et le changement devrait se faire en partant du point de vue du citoyen. C’est la condition qui peut permettre d’enclencher une dynamique de mobilisation durable et unitaire.

International

La mondialisation sécuritaire est toujours à l’ordre du jour. Ce que nous pouvons dire, c’est que pour notre pays il n’y a pas d’avenir viable sans sécurité ; il n’y a pas de sécurité sans cohésion nationale ; il n’y a pas de cohésion nationale sans démocratie et sans bonne gouvernance.

Nous voulons mettre notre pays à l’abri des aventures et des ingérences d’où qu’elles viennent.

La crise financière et économique internationale durable, annonce un nouvel équilibre international fondé sur l’internationalisation des capitaux, le libéralisme économique et les dérégulations. L’impact sur notre pays est certain, inévitable. Sommes-nous prêts, sommes-nous préparés à cette insertion dans ce nouvel ordre en gestation ?

Force est de constater que nos relations avec les grands ensembles politiques et économiques restent illisibles. Existe-t-il par exemple, une volonté réelle d’adhérer à l’Organisation Mondiale du Commerce, ou de construire un vrai partenariat avec l’Union Européenne ?

Au cours de ce que l’on a appelé le « Printemps arabe », différents pays de la région ont connu un processus politique complexe. Ce processus a vu naître les premières tentatives de gestion politique de l’islamisme, l’élection d’Assemblées Constituantes et les premières élections libres.

Après la chute des dictatures, les islamistes sont arrivés au pouvoir par des élections et, le résultat a été reconnu en interne et par la communauté internationale.

Le processus se poursuit, il rencontre beaucoup d’obstacles et la situation dans ces pays n’est pas encore stabilisée.

Nous avons la conviction que l’Algérie ne constitue ni une anomalie ni une exception. Le printemps algérien est à venir.

Nous sommes optimistes. Nous souhaitons, nous espérons, que cette nouvelle évolution de la situation régionale permettra de lever les obstacles à la construction d’un Maghreb démocratique et d’un ensemble nord-africain solidaire. Cette construction suppose le respect de l’autodétermination  de tous les peuples de la région et dans le respect de l’autodétermination individuelle. Nous sommes bien conscients que cela ne se fera pas dans l’immédiat.

Le Front des Forces Socialistes veut enraciner la dimension maghrébine parce qu’elle fonde la cohésion de nos pays. C’est pour nous une ambition nécessaire dont la réalisation est urgente. Nous continuerons de travailler au renforcement des liens humains, politiques, culturels et économiques entre nos peuples.

Cela nous permettra d’affronter ensemble les grands défis géopolitiques ou économiques qui se posent à nous, et par là-même, d’occuper la place qui nous revient en tant que versant Sud de la méditerranée occidentale.

Nous sommes en accord avec la proposition dialectique qui veut que : « Aller au Maghreb peut contribuer à déverrouiller l’intérieur de nos pays respectifs, et, déverrouiller l’intérieur de nos pays peut contribuer à construire le Maghreb ».

Quelles sont les perspectives à notre frontière sud ?

L’évolution de la situation dans la région Sahélo-Saharien a un impact important sur notre doctrine de défense et de sécurité. Nous ne sommes plus dans la conception de la sécurité nationale telle que nous l’avons connue.

Désormais, nous sommes inscrits dans une logique de sécurité collective et d’interdépendance. Le pays est impliqué, de manière directe ou indirecte, dans la lutte internationale contre le terrorisme et dans un interventionnisme extérieur qui ne dit pas son nom.

Notre doctrine de sécurité nationale est remise en cause, et, rien ne dit que nos politiques militaire, diplomatique et économique soient adaptées à cette nouvelle situation. Nous avons le devoir de prendre la mesure exacte de cette réalité nouvelle pour préserver notre souveraineté, notre autonomie de décision et la cohésion nationale.

Dans cet esprit, le FFS souligne la nécessité et l’urgence d’institutions de l’Etat, dont la légitimité soit incontestable et qui seraient pleinement associées à la redéfinition de nos options militaires, diplomatiques et économiques. Le processus de décision serait alors, sans doute, plus intelligible et plus efficace, et la décision plus crédible.

L’impératif de redéfinir une politique africaine s’impose. Pour nous, il s’agit d’une option de cœur et de raison. Ainsi, nous renouerons avec le projet africain porté par la Révolution algérienne.

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